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L'Homme sans âge voir ce film regarder en ligne avec sous-titres anglais 2160p

    • L’Homme sans âge
    • (Youth Without Youth)
    • Allemagne, Italie, France, États-Unis
    • -
    • 2007
  • Réalisation. Francis Ford Coppola
  • Scénario. Francis Ford Coppola
  • d'après. le roman L'Homme sans âge
  • de. Mircea Eliade
  • Image. Mihai Malaimare Jr
  • Son. Walter Murch, Mihai Bogoss
  • Montage. Walter Murch
  • Musique. Osvaldo Golijov
  • Producteur(s). Francis Ford Coppola
  • Interprétation. Tim Roth (Dominic Matei), Alexandra Maria Lara (Laura / Veronica), Bruno Ganz (Pr Stanciulescu), André Hennicke (Dr Rudolf), Andrian Pinteai (le pandit), Marcel Iures (Pr Tucci), Alexandra Pirici (la femme de la chambre 6)
  • Durée. 2h05
  • voir la bande annonce

Nouvelle jeunesse. par Arnaud Hée

L’Homme sans âge

Youth Without Youth

L’Homme sans âge ou l’histoire d’une seconde chance donnant la possibilité d’accomplir son grand Å“uvre. C’est en tout cas l’histoire de Dominic Matei, septuagénaire foudroyé qui renaît sous les traits d’un fringant jeune homme de 35 ans. Ce pourrait aussi être celle de Francis Ford Coppola, 66 ans, qui signe son retour après neuf ans d’absence. Portrait en creux troublant du démiurge et mise en abyme des affres de la création, le nouvel opus de l’Américain ne parvient toutefois pas à imprimer une puissance, une ampleur et un vertige qui le rapprocheraient de ses plus grandes réalisations.

La genèse de L’Homme sans âge est des plus intéressantes. Depuis 1999 et L’Idéaliste. Coppola n’a pas tourné de film, tout absorbé par son grand projet. Megalopolis. Il bute sur la rédaction du scénario, l’écrivant et réécrivant sans cesse, obsessionnellement. En 2005, une amie de longue date, devenue éminente linguiste et ayant côtoyé Mircea Eliade (il dirigea sa thèse), met entre ses mains le livre de l’historien des religions roumain. La situation du cinéaste et de Dominic Matei (Tim Roth), le héros de Youth Without Youth. a fait émerger un sentiment de proximité et un procédé d’identification, on l’imagine aisément, très puissant, cela en toute modestie bien évidemment. L’un comme l’autre sont attelés au grand Å“uvre de leur vie, Megalopolis pour Coppola, une somme sur les origines du langage pour le personnage. Tous deux se trouvent dans l’impasse. Dominic Matei est frappé par la foudre, rajeuni, ses facultés sont démultipliées. Quant au cinéaste, il bifurque, trouve dans ce projet un nouvel élan. un film à petit budget (à ramener certainement à « l’étalon Coppola »…) et en équipe réduite, bref comme au temps des culottes courtes. Et avec ça en Roumanie, accompagné d’une équipe du cru, loin d’Hollywood. à « la périphérie des choses » comme le dit le réalisateur dans le dossier de presse. La préparation du film se fait avec l’âme d’un contrebandier. repérage incognito en Roumanie, audition des comédiens locaux dans l’arrière-boutique du labo pharmaceutique d’un ami américain de Bucarest.

En plus de cette analogie entre le cinéaste et son personnage, L’Homme sans âge permet au maître d’explorer deux domaines qui le passionnent et l’intriguent. le temps et la conscience. Et bien sûr le problème de leur transcription dans un langage cinématographique. On peut dire qu’il est plus que largement servi. Dominic Matei, vieux professeur septuagénaire désespéré, voit donc son âge divisé par deux après avoir été foudroyé. Il se coltine alors un double et jouit d’hypermnésie. Il peut par exemple, le veinard, comprendre un nombre improbable de langues et s’avaler un livre tout entier en y apposant simplement la paume de la main. Il retombe aussi, second coup de foudre, sur un amour perdu (Laura et Veronica Rupini, tous ces personnages sont interprétés par Alexandra Maria Lara, la secrétaire d’Adolf Hitler dans La Chute ) dont le corps, par la magie de la métempsycose, est animé par une âme lui permettant de remonter vers l’origine du langage. Avec tout ça on peut dire que le projet de sa vie est plus que relancé. en très bonne voie. Mais dans un sacrifice ultime, il ne peut achever sa tâche à cause de son nouvel amour. Ces sessions nocturnes de remontée d’histoire de la langue font vieillir la pauvre jeune femme à toute vitesse.

On sait que contrairement à Scorsese, le style Coppola n’existe pas, ou plutôt celui-ci est déterminé et inventé en fonction du sujet, ce qui a pu lui devoir d’être catalogué comme un cinéaste versatile. Le réalisateur déploie donc ici un récit et une mise en scène au service de ses thèmes. Pour le film présent, il confie être parti de Yasujiro Ozu, c’est-à-dire de cadres fixes. On a grand peine toutefois à établir un lien avec le cinéaste japonais, peut-être que la Roumanie manque singulièrement de tatami pour filmer à ras de ceux-ci. À l’image d’un récit touffu, fragmenté et elliptique, aussi bien d’un point de vue spatial que temporel, assez logiquement, Coppola va chercher du côté de l’expressionnisme et de l’onirisme. Il en résulte une mise en scène foisonnante mais aussi (sur)chargée. lumières tamisées et sophistiquées, ombres portées, flous et tournoiements lumineux, images inversées ou encore surimpressions multicouches. Aussi les jeux de miroirs permettent de faire figurer le dédoublement dans un même plan, réunissant les champs/contrechamps (scène tournée le même jour avec deux caméra, Tim Roth passant de l’une à l’autre simultanément). S’il ne révolutionne pas la mise en scène, ce procédé donne lieu à une belle performance d’acteur alors que le héros engage avec cette sorte de Méphistophélès un dialogue où est scellé ce que l’on pourrait considérer comme un pacte diabolique. Mais dans l’ensemble, il faut bien constater que si le réalisateur parvient à impulser une certaine fluidité, ce qui n’est pas la moindre des choses, il peine à s’inscrire dans une sublimation esthétique et une intensité qui placerait le spectateur dans un état de saisissement prolongé. Loin de là pour ces deux points.

Dans cette histoire d’amour éternel au surnaturel très affirmé et assumé (métempsycose, âmes errantes, voyage dans l’histoire et le temps…), on ne peut en fait qu’établir un pont en direction de Coppola lui-même, et de Dracula. autre histoire d’amour éternel. Transylvanie, quand tu nous tiens. Mais aussi, pour ce récit d’une seconde chance, l’évocation de Peggy Sue s’est mariée s’impose, seulement d’un point de vue thématique. À l’aube de sa vieillesse et de son divorce de Charlie, Peggy se retrouve plongée dans ses années lycéennes. Bien décidée à ne pas retomber dans les mêmes errements, elle repousse ledit Charlie. Mais dans un premier temps seulement… Certes la trajectoire cinématographique sinueuse et heurtée de Coppola n’est pas comparable à celle de Peggy Sue, ce serait plutôt une forme d’éternel recommencement personnel, professionnel, thématique et stylistique, dans lequel le cinéaste (se) serait enfermé. Pour l’heure, celui qui peut être considéré comme le plus grand cinéaste américain des années 1970, disons au moins que ça se discute, semble englué dans les affres de sa propre création. C’est frustré et un peu désolé, mais aussi avec le plus grand des respects, que l’on fait état d’une déception polie.

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